Le contexte :
A partir du Milieu du XIXe siècle, l’industrie se développe fortement et son implantation proche des villes, pourvoyeuses d’une main d’œuvre abondante, entraine leur explosion démographique.
Cette densification nouvelle, associée à des conditions de travail et de logement difficiles, favorise l’émergence d’une nouvelle délinquance qui s’organise en bande. Les prisons de plus en plus chargées s’avèrent être des « écoles du crime » tout à fait efficaces où de petits malfrats peuvent se spécialiser auprès d’autres plus aguerris.
Les bandes organisées, médiatisation et angoisse des citoyens :
L’alphabétisation de la population, en constante évolution, permet l’essor de la presse locale et nationale, qui, par le biais des rubriques de faits divers, met en avant, comme elle ne l’a jamais été auparavant, la délinquance sous toutes ses formes. Des « stars » nationales du banditisme émergent alors comme Jules Bonnot et sa bande, célèbres à Pontoise pour avoir tenté de cambrioler, en 1912, l’étude Notariale de Maître Tintant située sur la place de l’Hôtel de Ville.
Aux alentours de 1900, des bandes que la presse surnomment « apaches » se développent dans Paris et sa région. Elles ont la particularité de se montrer au grand jour et de revendiquer leur appartenance à cette « mouvance », notamment par des signes vestimentaires ou par le récit de leurs exactions dans la presse. Rixes avec les forces de l’ordre, vols, proxénétisme, tortures, règlements de compte en plein jour, meurtres, sont le quotidien de ces bandes qui, au travers de nombreux articles dans la presse quotidienne, terrorisent la population (1). Rapidement, ce terme est utilisé pour désigner, sous la plume des journalistes, quasiment toute personne ou groupe de personnes qui trouble l’ordre public.
La réponse :
Entre 1880 et 1910 la police se dote de nouvelles techniques d’investigation, d’identification des individus et de relevé de preuves. Ainsi un service d’anthropométrie et de photographie est créé dès 1882, Alphonse Bertillon développe la dactylotechnie qui est la science du prélèvement et de l’analyse des empreintes ; en 1907 Georges Clémenceau permet la création des Brigades Régionales de Police Mobile surnommées « les Brigades du Tigre » ; en 1910, Edmond Locard ouvre le premier laboratoire de police scientifique à Lyon et l’analyse toxicologique et balistique se développe fortement sur cette période. C’est dans ce contexte qu’en 1907, le préfet Louis Lepine décide d’adjoindre des chiens auprès de gardiens de la Paix, afin de lutter contre une recrudescence de cambriolages et pour aider au maintien de l’ordre la nuit à Paris. Les premiers essais étant concluants, les chiens policiers connurent un certain engouement à Paris et en Banlieue avant l’arrêt progressif de ce programme à partir de 1917 (2).
Pontoise, l’agent Dupont et son fidèle chien Deder :
A Pontoise, on note la présence de trois chiens policiers en 1909, tous sont dressés par l’agent Dupont et répondent aux noms de Brissac, Labrie et Deder. Jusqu’au mois de juillet 1909, les affaires traitées par ce Gardien de la Paix étaient relativement discrètes, tout au plus quelques coups, blessures et outrages à agent. Mais dans l ‘édition du 31 juillet 1909, le journal « Le Progrès de Seine et Oise » indique que l’agent , aidé par un chien policier, est intervenu pour appréhender un homme alcoolisé qui menaçait avec un couteau la tenancière du cabaret « Au Terminus » situé quai du Pothuis.
L’affaire la plus médiatisée de l’agent Dupont et ses chiens policiers reste néanmoins celle de la Place de la Gare. Dans la soirée du 3 octobre 1909, un groupe de jeunes gens, qui avait un peu trop arrosé la soirée au café de l’Hôtel de la Gare, a décidé d’invectiver l’agent Dupont qui passait avec ses chiens. Lorsque ce dernier entreprit de faire régner l’ordre, la violence est montée d’un cran et le chien nommé Déder s’est pris deux coups de couteaux dans la cuisse.
Cette affaire eut un important écho dans la presse parisienne qui a quelque peu exagéré les faits (3). En janvier 1910 le journal Le Figaro relatait encore cette affaire avec une description pour le moins romanesque.
Tous les protagonistes de cette affaire n’ont pu être identifiés et arrêtés, seuls Charles Delacour (31 ans, comptable) et Jean Delacour (20 ans, dessinateur), tous deux de Pontoise, ont été jugés en correctionnelle le 29 octobre à 15 jours de prison et 200 francs d’amende pour outrages à agent (4).
Cette histoire prend une tournure presque légendaire en octobre 1909, lorsque le journal « Le Progrès » reçoit un colis anonyme destiné au Maître de Deder. Celui-ci contient une médaille de vermeil « frappée d’un vif relief représentant trois chiens; sur le revers on lit, gravé : « Vive le brave Deder (1909) » » ainsi qu’un bifteck « très appétissant » (5). Cette médaille n’a qu’une valeur symbolique car il faut attendre 1958 pour voir le premier chien officiellement décoré de la médaille de la Gendarmerie Nationale (6).
Dassé Fabrice
(1) Pour exemple nous pouvons nous référer à la célèbre histoire d’Amélie Elie surnommée « Casqued’or ».
(2) Source : Site internet de la Police Nationale, Ministère de l’Intérieur, mars 2020.
(3) Le Régional de Seine-et-Oise, numéro 1123. 14 octobre 1909, Archives Départementales du Val d’Oise.
(4) Le Progrès-de-Seine-et-Oise, numéro 1305. 6 novembre 1909, Archives Départementales du Val d’Oise.
(5) Le Progrès-de-Seine-et-Oise, numéro 1304. 30 octobre 1909, Archives Départementales du Val d’Oise.
(6) Source : site www.lemalinois.fr, mars 2020.
Oui, c’est l’histoire vue par le petit bout de la lorgnette : mais quelle lorgnette !
bonjour Fabrice
toujours super
il y a de très belles photos sur la bande à bonnot sur Gallica
merci de maintenir votre blog
bonne journée et attention à vous
ouaf ouaf merci pour ton nouvel article et bonne journée