1870 – Une gravure de Pontoise « inédite » sur le conflit Franco-Prussien…

Le magasin de l’armée et les ponts détruits à Pontoise près de Paris, 1870-1871. D’après un dessin de U. Beck. Coll. Dassé Fabrice.

La guerre Franco-Prussienne à Pontoise en quelques dates * :

Le 19 juillet 1870, la France déclare la guerre à la Prusse et très rapidement, à compter du 2 août 1870, l’armée française sous le commandement de Napoléon III, connait ses premières défaites.
Dès le 9 septembre 1870, l’armée prussienne occupe une grande partie du Vexin et avance vers Pontoise. Le 14 septembre 1870, une arche du pont routier est détruite par le génie français pour protéger la retraite des troupes, qui ont quitté les lieux la veille. Le 18 septembre**, les soldats du Duc de Meklembourg installent un pont provisoire sur un rang de bateaux.

Carte postale, édition de la Société Lumière à Lyon. Pont provisoire installé le 17 septembre 1870. Photographie originale de M. Sagnier le 20 septembre 1870. Coll. Dassé Fabrice.

Ils quitteront la ville le 20 septembre juste après la signature de la capitulation de Pontoise signée le 18 septembre par M. Séré Depoin, alors maire de la ville. La cité est occupée par le 80ème régiment d’infanterie Poméranien. Les 6400 habitants, contre une indemnité journalière d’un franc, accueilleront en permanence entre 700 et 800 militaires prussiens durant tout le conflit.

En plus des 650 hommes de la garnison permanente du 5ème régiment de la Landwehr, près de 4000 hommes de troupe (uhlans, 27ème régiment de ligne d’artilleurs pontonniers, 96ème régiment de ligne) et 9000 chevaux passeront à Pontoise entre le 20 septembre et le 6 décembre.
Le 4 décembre 1870, le Couvent de la Compassion, établissement de jeunes filles, est transformé en Hôpital de la Croix rouge par les troupes d’occupation prussiennes et bavaroises (cf. 1914 – L’Association des Dames Françaises – Le comité de Pontoise organise un bal).

La gravure :

Cette gravure parue le 1er avril 1871 dans la revue « Illustrierte Zeitung N° 1448» (Journal Illustré N°1448) est contemporaine des évènements qu’elle représente. Elle fait 34,7 x 23,5 centimètres et est accompagnée d’un texte sur deux colonnes dont nous vous proposons une traduction ci-après. Les différents éléments qui composent cette œuvre ne comportent aucune approximation et montrent que le dessinateur était bien sur place lorsqu’il l’a croquée.
Nous retrouvons ainsi le pont routier qui est partiellement remis en fonction…

Pont routier avec sa réparation provisoire, extrait de la gravure.
Photographie recadrée (format original : 17 x 11cm). Pont routier, quartier du Pothuis, 1870, collections du Musée Tavet, Archives Municipale de Pontoise, cote : 7Fi11176.

Le pont de chemin de fer encore détruit avec, visible sur la gravure complète, les grues qui dégagent les décombres…

Pont de chemin de fer détruit, extrait de la gravure.
Photographie recadrée (format original : 31 x 23cm), Auteur : M. Sagnier. Le pont du chemin de fer sur l’Oise détruit, 1870, Archives Municipale de Pontoise, cote : 7Fi130.

mais aussi le bâtiment de l’octroi du quai Bûcherel ou encore le toit de l’Hôtel Dieu.

Proposition d’une traduction du texte d’accompagnement :

Le texte qui accompagne la gravure est, par delà « le ton arrogant » du vainqueur, un témoignage très intéressant de la vision prussienne sur ce conflit. Il semble que Pontoise était l’une des véritables clefs de voûte de l’organisation du ravitaillement dans ce secteur et l’auteur s’en sert comme propagande d’une organisation sans faille des armées prussiennes :

« Le magasin de l’armée à Pontoise

A Pontoise, le chef-lieu de l’arrondissement du département de Seine-et-Oise, se trouvait pendant le siège de Paris le magasin, dans lequel étaient entreposées pour le 4ème corps d’armée des provisions de toute sorte. Pontoise est une bonne ville commerçante de 6000 habitants, située à la confluence de la Viosne et de l’Oise, équipée d’une gare ferroviaire. On y pratique aussi le commerce du bétail et de la farine de manière florissante, si bien que cet endroit convenait parfaitement sur plusieurs plans à une base arrière pour les provisions de l’armée. Lorsque le 4ème corps était parti vers Chartres lors des premiers temps de l’armistice, Pontoise était devenue le cellier de l’armée de la Meuse et ainsi le point central d’une activité encore plus animée qu’autrefois. Des trains entiers de véhicules empruntaient le chemin vers la place sur le quai, où se trouve le bâtiment utilisé par les troupes comme magasin. Là arrivaient de plus ou moins loin les charrettes avec le fourrage réquisitionné, de l’autre côté les voitures étaient chargées, elles menaient chaque corps de troupes de cette grande place de rassemblement au besoin le plus urgent. Ainsi il manquait rarement de vie et de mouvement à Pontoise pendant cette période d’armistice, pourtant l’ordre systématique n’était pas méconnu, cet ordre qui se met en place dans toutes les branches de l’ensemble de l’organisation de l’armée allemande.
C’est justement dans la région de ravitaillement des troupes que, lors de la dernière guerre, de véritables choses exceptionnelles ont été accomplies. On ne réalise pas ce que cela implique de satisfaire quotidiennement les besoins de toute sorte d’une si grande armée ! Une source bien informée fait l’inventaire de la quantité moyenne de nourriture et de provisions de toute sorte dont un seul corps d’armée a besoin jour après jour pour son séjour, et ce : 18 000 pains de 3 livres, 120 quintaux de riz ou d’orge perlé, 70 bœufs ou 120 quintaux de lard, 18 quintaux de sel (1800 livres ou 54 000 Loth [ancienne unité de mesure : ca. 1 livre = 30 Loth]), 30 quintaux de café, 120 quintaux d’avoine, 300 quintaux de foin, 3500 litres de spiritueux et pour chaque litre un Loth d’extrait d’orange amère ou d’acore odorant. A ces postes s’ajoutent encore pour 10 jours 60 quintaux de tabac, 1 100 000 cigares d’équipe et 50 000 cigares d’officier. L’armée de la Meuse comprenait jusqu’au départ du 4ème corps trois corps d’armée, excepté celui cité précédemment, il y avait la garde et les Saxons. La division wurtembergeoise était aussi finalement sous le haut commandement de l’armée de la Meuse, si bien que, uniquement pour la consommation de celle-ci, il fallait se procurer des quantités quotidiennes citées ci-dessus mais multipliées par trois voire quatre. Et on a réussi à s’en procurer ; le ravitaillement de nos troupes stationnées avant Paris a été continuellement abondant, sinon elles n’auraient pas pu supporter aussi bien les souffrances de la campagne militaire d’hiver. Les Parisiens s’étonnèrent plutôt de la mine moyennement florissante des équipes allemandes, comme ils avaient l’habitude de le raconter dans leurs journaux, que le bombardement aurait été commencé en quelque sorte par désespoir, afin d’aboutir à une fin plus rapide, puisque les Allemands seraient dans une terrible détresse. Bourbati et Faidherbe, disait-on, leur auraient coupé les moyens de communication avec leur pays et par conséquent les sources d’approvisionnement. La population de Paris découvrit la vérité uniquement lorsque la destinée de la ville était déjà décidée.
A Pontoise, un très joli pont de chemin-de-fer enjambe l’Oise et un peu plus loin également un pont en pierre. Les deux ouvrages passant au-dessus de la rivière ont été détruits par les Français lors de l’avancée des Allemands, dans l’hypothèse de pouvoir contenir l’approche de l’ennemi. Par cette destruction irréfléchie des voies de circulation, ils se sont infligés eux-mêmes les pires dommages. Les armées allemandes ne se sont pas laissé arrêter dans leur avancée, mais les Français se confrontent à présent aux difficiles et coûteuses obligations de reconstruire tous les ponts et ouvrages ferroviaires détruits. A Pontoise, on s’y mit peu de temps après la conclusion de l’armistice, et la circulation sur le pont en pierre était, comme le montre notre visuel, provisoirement rétablie. Pontoise n’était pas fortement envahie, et il régnait dans l’ensemble une atmosphère sereine. Vers fin février, il se produisit pourtant le triste événement : un soldat de la territoriale montant la garde fut attaqué par plusieurs individus et dangereusement blessé. Les auteurs ont été attrapés et ont certainement eu leur sanction. »
Traduction : Sabrina Leroy Kowalk.

Dassé Fabrice


* Source : « La vie quotidienne à Pontoise au temps de la Guerre de 1870-1871, Chronologie historique locale », Archives Municipales de Pontoise, Septembre 2007. Référence : PON1328.

** Merci à Pascal Gaillard (Archives Municipales de Pontoise) pour la correction concernant la date d’entrée des Prussiens à Pontoise. Correction effectuée le 16 avril 2020.

4 réflexions sur “1870 – Une gravure de Pontoise « inédite » sur le conflit Franco-Prussien…”

  1. GAILLARD Pascal

    bonjour
    nous allons faire une conférence sur le sujet en 2021 (si tout va bien)
    la première gravure est très intéressante ; je croyais qu’elle était parue dans un journal anglais également ; nous avons trouvé un journal de Pontoisien à la Société historique qui complète le PON328 que nous avons transcrit ; il y a pas mal de documents aux AMP en allemand et je crois que je solliciterais Sabrina pour des traductions en attendant bravo pour ce super travail
    attention à vous
    Bon courage
    Pascal Gaillard

    1. Françoise WARO

      Bonjour le « yeti » !
      Bravo pour cet article, qui va tout à fait dans le sens de ce que nous faisons à la Société historique.
      J’ai découvert depuis peu votre site, et avais suggéré à Pascal que nous nous rencontrions pour déjà faire connaissance et voir si nous ne pourrions pas croiser par moments nos recherches car nous avons comme le dit Pascal des documents complémentaires.
      Ce satané virus en a décidé autrement, mais j’espère que ce n’est que partie remise !
      En attendant bon confinement et bien cordialement.

  2. Gaillard Pascal

    Bonjour Fabrice
    l’erreur est humaine mais les choses n’étaient pas claires : les Prussiens sont rentrés dans Pontoise le 18 pas le 17 : j’ai croisé des sources ; le problème c’est que le témoignage de notre pontoisien commence sans date puis il indique par la suite le 18 septembre
    Comme nous avons maintenant un second témoignage cela a été plus facile : donc c’est bien le 18
    bien à vous et attention à vous
    PS : la vision allemande est très intéressante

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